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La présente étude s’articule autour du concept médiéval de l’historia et de la production hagiographique et historiographique qui s’y rattachait, dans la Gaule des VIIe et VIIIe siècles. La recherche récente sur les hagiographies politisées du VIIe siècle suggère que ces oeuvres pouvaient être porteuses d’une réflexion normative sur le système de valeurs et les comportements de l’élite dirigeante franque. Les stratégies mises en place pour assurer l’adhésion de l’audience aux propos des hagiographes, conjuguées à la fonction médiatrice de ces Vitae et à la conscience de l’autorité monastique qui s’en dégagent constituent le point de départ de la présente contribution. Celle-ci s’intéresse à un texte historiographique de la fin de l’époque mérovingienne, le Liber Historiae Francorum, et s’attache à déterminer dans quelle mesure un discours sur les normes sociales concernant l’exercice du pouvoir se manifeste aussi, dans cette mise en récit de l’histoire des Francs. Dans une approche stylistique comparative, l’analyse des stratégies narratives mobilisées par l’auteur du Liber Historiae Francorum, en parallèle avec d’autres textes historiographiques et hagiographiques mérovingiens, met en lumière les codes de comportements considérés comme désirables, au début du VIIIe siècle, au sein de l’élite dirigeante. Le Liber Historiae Francorum présente en effet des exempla de bons et de mauvais souverains, à travers la valorisation, dans les attitudes et comportements de ces personnages, des vertus chrétiennes et de certains idéaux de gouvernance. Une telle lecture d’un texte a priori historiographique permet d’ouvrir des pistes de réflexion concernant le rôle et l’influence qu’ont pu avoir certains monastères gaulois dans l’élaboration d’un discours normatif concernant l’exercice du pouvoir chez les Francs.
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Ce mémoire a pour sujet les communautés de caves qui émergent à Berlin dans le contexte des bombardements alliés durant la Seconde Guerre mondiale. Nées de la proximité prolongée de la population dans les abris antiaériens et de l’expérience commune du front intérieur, ces communautés offrent à leurs membres un soutien à la fois matériel et émotionnel. Se concentrant sur la période allant de janvier à juin 1945, cette recherche se penche sur la question du rôle des communautés de caves dans la survie des Berlinoises et sur l’impact de l’arrivée des soldats soviétiques sur leurs modes de survie individuels et collectifs. En nous appuyant sur des égo-documents et en empruntant les angles du genre, du quotidien et de la survie, nous soutiendrons que l’esprit communautaire qui émerge entre les Berlinoises dans les abris antiaériens affecte l’expérience et la survie de ces femmes, offrant à chacune des chances de survie plus égales, tant pendant la guerre, dans le contexte des bombardements, que dans l’après-guerre, dans le contexte de l’occupation soviétique et des violences sexuelles. Malgré des épreuves quotidiennes communes telles que la destruction, le manque de nourriture, le contact avec la mort et les violences sexuelles, les expériences relatives à cette période sont multiples, variant d’une Berlinoise à l’autre en fonction de divers facteurs personnels. Comme nous le verrons, les communautés permettent d’équilibrer les chances de survie de chacune face aux défis du quotidien.
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Ce mémoire vise à dégager l’édifice politique que les Huns léguèrent aux Avars et aux Bulgares entre le cinquième siècle et l’aube du onzième siècle. Pour ce faire, il faut tout d’abord définir ce monument politique hunnique. Le premier pan de ce travail sera donc le dégagement des principes doctrinaux qui animaient le pouvoir des seigneurs des steppes et qui orientaient leur idéologie. Ce langage politique s’est transformé sur la longue durée en une koinê que tous les groupes barbares, sur l’ensemble de la charnière eurasiatique, étaient à même d’interpréter. Ensuite, les facteurs qui facilitaient l’hégémonie d’un clan donné seront identifiés. En fonction des éléments précédemment dégagés, les entités politiques steppiques seront définies comme des cartels. Cet idiome, emprunté aux sciences économiques sera mobilisé afin d’énoncer les objectifs des chefs de cartels de manière plus claire. Ceux-ci découlaient d’un désir des chefs d’obtenir la mainmise sur un marché global des biens de prestige et des honneurs. Afin d’identifier correctement les buts des cartels steppiques, il est ceci-dit nécessaire de travailler en adoptant une approche eurasiatique et interactioniste afin de rendre compte de la fluidité de l’ordre politique steppique pendant l’Antiquité tardive. En effet, les chefs de cartels et ceux qui ont fait le choix d’adhérer à leurs projets politiques ont été contraints de relever des défis toujours plus grands tels des crises climatiques, la consolidation des États voisins en empires aux prétentions universelles et la complexification des systèmes sur lesquels ils essayaient d’assoir leur hégémonie. En occident, les Huns - entendus comme un groupe politique uni en un cartel mené par le clan d’Attila - ont presque réussi à s’enraciner durablement, mais les réformes d’Attila ont brisé l’accord de cartel qui unissait toutes ces populations disparates, ces « entreprises », entre elles. Ainsi, dès lors qu’Attila et son clan disparaissaient au milieu du cinquième siècle, les groupes auparavant unis sous une même bannière devaient trouver un nouveau terrain d’entente. Ce terrain d’entente sera dégagé par les Avars et la maison de Baïan, qui réussit à unir tous les groupes anciennement affiliés aux Huns derrière une nouvelle dynastie tout autant prestigieuse qui avait les moyens fournir une alternative à l’intégration au monde romain. Plus tard, les Bulgares ont émergé afin de fournir, eux aussi, une alternative à Rome et aux Avars. Ils réussirent leur pari en mobilisant le souvenir d’Attila mais également en adoptant un langage politique qu’ils avaient emprunté tant au cartel des GökTürks qu’aux Romains.
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Malgré l’abondance d’études à propos de la liturgie féminine mérovingienne, la présente recherche a pour particularité de prendre les textes hagiographiques comme point de départ à sa réflexion. Nous tenterons alors d’analyser les limites de l’hagiographie féminine mérovingienne quant à la représentation de la liturgie qui est opérée, principalement, par les saintes et leur communauté. Aussi, nous entreprendrons de comprendre comment ces différentes formes de liturgie sont abordée dans les Vies. Pour ce faire, nous avons une démarche à la fois quantitative et qualitative. Une définition au sens large de la liturgie, et une lecture systématique des sources du corpus, nous a mené à pouvoir établir des micro et macro-catégories pour les différents actes et pratiques liturgiques se trouvant dans les Vies. Nous avons ensuite pu quantifier ces micro-catégories afin de nous pencher à la fois sur la fréquence de ces actes dans les Vies du corpus et sur la présence des gestes, larmes et émotions lors de la pratique liturgique. Le volet qualitatif, quant à lui, se concentre sur la place narrative des actes et pratiques liturgiques dans les Vies de notre corpus. Pour ce faire, nous avons repéré des éléments narratifs communs à toutes les Vies afin de pouvoir les étudier de manière simultanée. Ensuite, nous abordons l’efficacité liturgique des saintes en nous penchant sur les miracles. Pour finir, nous analysons l’apport du geste, des larmes et de l’émotion dans la pratique liturgique des femmes saintes et de leur communauté.
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Dans les années 1880, la France s’extirpait de dix années de repentance que sa défaite à l’issu de la guerre franco-prussienne en 1871 lui avait imposée. Déterminée à afficher son retour en force aux puissances européennes, elle se relança dans la course aux colonies avec une ardeur inégalée jusqu’à la Première Guerre mondiale. Si le Second Empire ne se préoccupa que très peu de la méfiance et de l’indifférence du public à l’égard de l’empire, les intentions expansionnistes de la Troisième République dépendaient, quant à elles, de l’appui de l’électorat, rendant son soutien, voire son engouement indispensable. Outre un argumentaire économique, une « culture coloniale » s’imbriqua dans les multiples sphères culturelles consommées par les Françaises et les Français. Ce discours veillait à légitimer, promouvoir et familiariser le public aux colonies. Au travers une variété de leviers mobilisés pour mener à bien ces objectifs, l’archéologie en milieu colonial eut une place de choix dans les argumentaires. Profitant de sa maniabilité, sa polyvalence et son aspect tangible, elle agit autant en soutien aux récits légitimateurs glorifiant les empires romain et khmer déchus que comme moyen de promotion impériale. Son caractère mystérieux qui suscite, à ce jour, la curiosité du public, servit à stimuler l’intérêt, mais également le patriotisme des métropolitains. Bien que la place de l’archéologie dans ces argumentaires pro-coloniaux était connue, ce mémoire met en lumière la variété de ses usages qui servirent bien au-delà de la légitimation de la présence française en Afrique du Nord.
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Ce mémoire a pour objet de comprendre le rapport à la paix qu’entretient l’Église catholique au Canada français à une époque, l’entre-deux-guerres, où partout ailleurs en Occident émerge un engouement pour la paix et le pacifisme. Le Canada français demeure curieusement étranger à cet élan : peu d’engagements pacifistes y sont observables avant 1945. Pour comprendre cet apparent désintérêt, nous postulons que le discours de paix de l’Église catholique y a fait concurrence au pacifisme. Pour comprendre ce message chrétien de paix, nous avons étudié la presse écrite de trois ordres réguliers implantés au Québec et en Ontario : l’École sociale populaire et les Semaines sociales du Canada des Jésuites ; la Revue dominicaine des Dominicains ; et la Revue de l’Université d’Ottawa des Oblats de Marie-Immaculée. Fortement inspirés par les méthodes de la philosophie thomiste et de la sociologie leplaysienne, les auteurs étudiés postulent la primauté du spirituel sur le matériel. Il s’ensuit que la réforme des mœurs prime sur celle des structures, et que les clercs doivent préparer les consciences en amont pour que la paix soit implantée en aval par les laïcs. Selon cette logique, la paix internationale ne peut être que l’aboutissement de la paix sociale, qui elle-même doit résulter du projet de rechristianisation de la société par l’Église. Ce rapport à la paix amène les auteurs étudiés à adopter trois postures contrastées vis-à-vis des initiatives pacifistes qui tentent de s’implanter au Québec durant l’entre-deux-guerres : l’indifférence, car la guerre n’est qu’un symptôme de maux plus profonds ; la méfiance, car le pacifisme est trop à gauche, trop antifasciste et pas assez anticommuniste ; l’engagement, car, au-delà de leurs réticences, les catholiques voient dans ce mouvement un signe des temps auquel ils doivent s’accorder, et tentent de le coopter afin d’y faire triompher les valeurs de l’Église.
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Face aux visées assimilationnistes qui alimentent l’Acte d’Union de 1840, les élites canadiennes-françaises entament la définition culturelle d’une identité nationale dans le but de justifier l’existence du Canada français en tant que nation distincte. Cet effort se traduit notamment par un foisonnement littéraire, fortement teinté de nationalisme. Or, certaines des œuvres les plus populaires du XIXe siècle sont d’origine anglophone : notons Évangéline - A Tale of Acadie, Antoinette de Mirecourt or Secret Marrying and Secret Sorrowing et Le Chien d’Or – A Legend of Quebec. L’objectif de ce mémoire est de comprendre la place qu’a pu occuper la traduction littéraire de l’anglais vers le français dans ce contexte de définition nationale. Ceci sera réalisé grâce à deux approches. La première envisage le rapport du traducteur aux œuvres en analysant les transformations et l’adaptation accomplies au sein du texte. Cette approche est conduite à travers l’étude des traductions de Pamphile LeMay. La seconde approche considère le rapport entre le lectorat et la traduction, étudié à travers les œuvres traduites de l’autrice canadienne-anglaise Rosanna Leprohon. L’étude permet de déterminer que la traduction mène à une appropriation des textes au sein du corpus littéraire national canadien-français et que le travail du traducteur est perçu comme une activité créatrice au service du nationalisme francophone.
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Ce mémoire a pour but d’éclairer le processus de mobilité sociale ascendant et descendant dans une perspective historique. Il étudie une famille canadienne-française ayant vécu une telle mobilité entre la seconde moitié du XIXe siècle et la première moitié du siècle suivant. Il cherche à en comprendre les causes ainsi que la façon dont ce processus fut vécu par les membres de cette famille. La trajectoire sociale de notre principal sujet, Émile Théroux (1870-1944), et de sa famille, fait ressortir le caractère complexe des causes d’une telle mobilité. Ce texte explore une mobilité sociale ascendante qui prend racine dans la paysannerie du Québec et la classe ouvrière des États-Unis et dont le déploiement se fait dans la petite-bourgeoisie rurale du Centre-du-Québec. Les balbutiements en sont une première tentative d’exploitation d’un hôtel à Drummondville par les parents d’Émile Théroux. L’ascension se poursuivit par l’exploitation pendant plus de dix ans d’un autre hôtel à Saint-Cyrille de Wendover et par l’achat d’une briqueterie par notre protagoniste au début du XXe siècle. Elle s’arrêta brutalement à la fermeture de cette même entreprise en 1918. Le déclassement se confirma avec une faillite en 1925. Face à ces déboires, les différents membres de la famille eurent à quitter la bourgeoisie pour émigrer socialement vers la très petite-bourgeoise, la paysannerie et la classe ouvrière. Grâce à une approche microhistorique et un usage de sources primaires diversifiées, ce mémoire démontre l’importance de prendre en compte les pratiques, les habitus et les structures dans l’analyse d’un processus de mobilité sociale. Cette étude a fait le pari, en analysant le parcours social de la famille Théroux, d’éclairer un processus encore peu étudié par l’historiographie. Il met particulièrement en lumière les réactions différenciées des multiples membres de la famille vis-à-vis du déclassement tout en démontrant son impact traumatisant.
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Ce mémoire examine la mobilisation de la Fédération canado-arabe, et par extension la construction et le positionnement identitaire d’un groupe d’immigrants arabes Canada lors d’une période charnière du conflit israélo-arabe entre 1969 et 1979. Pour mener cette recherche, nous avons constitué un corpus de sources à partir de fonds d'archives de la Fédération canado-arabe, notamment son bulletin informatif L’Aube-arabe/Arab Dawn, ainsi que de journaux canadiens francophones de l'époque. Les événements organisés par les associations membres de la fédération sont fréquemment commentés dans ces journaux. Le corpus comprend 80 articles, principalement extraits des publications suivantes : Le Devoir, La Presse, et Le Soleil. Cette recherche s'inscrit au croisement de plusieurs courants historiographiques, à savoir ceux du conflit israélo-arabe, de l'immigration au Québec et de l'orientalisme. Sa principale contribution réside dans l'adoption de perspectives interdisciplinaires, telles que la notion de pluralité d'identités. L'étude met en lumière l'évolution de l'histoire des immigrants arabes engagés et explore comment leur construction identitaire se développe dans le contexte particulier du Canada et du Québec durant l'après-guerre. Elle aborde également des questions plus larges, telles que le rôle des immigrants arabes dans la sphère politique et sociale et leur processus d'intégration. Les observations de cette étude conduisent à la conclusion que la pluralité d'identités des immigrants arabes est fortement influencée par la cause palestinienne, qui devient un vecteur central de leur cohésion communautaire au Canada. Le sentiment d'appartenance ne se base plus sur la langue, la région d'origine ou la religion, mais plutôt sur le récit d'une histoire militante. L'analyse porte sur la manière dont les membres de la Fédération canado-arabe naviguent au sein de cette identité dans un espace de négociations et de conflits. Cette recherche offre un aperçu sur un groupe minoritaire et sur leur identité qui nous permet de les placer dans la trame historique du Canada.
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En reconnaissant aux émotions la capacité d’être agent de l’histoire, cette recherche s’interroge sur la place qu’occupe la colère dans la société montréalaise des XVIIe et XVIIIe siècles à l’aide de deux corpus de sources. Il sera d’abord question d’observer le discours religieux sur les passions en analysant comment se déploie le message chrétien sur l’émotion à partir des sermons et catéchismes des prêtres sulpiciens. Si la colère est un péché à fuir, les émotions ne sont pas un mal en soi et doivent participer au cheminement spirituel. Ce discours, critique de la société qu’il décrit, condamne la colère que l’honneur blessé provoque, source de vengeance. La violence des conflits d’honneur est au cœur du second corpus, composé des archives judiciaires de Montréal. Plus qu’une réaction affective, la colère se révèle comme phénomène relationnel qui influence les interactions interpersonnelles. Elle participe à créer un rituel de l’affrontement dans lequel la violence est acceptée comme étant nécessaire à défendre l’honneur. Enfin, toutes les colères ne sont pas interprétées de la même façon. Une colère est légitime du moment qu’elle permet de reproduire les rapports de domination qui structurent la société d’Ancien Régime. Ainsi, son bien-fondé dépend des divers critères intersectionnels qui caractérisent les individus. Le courroux peut aussi bien être outil de l’imposition du pouvoir, que dénoncé comme force perturbatrice de l’ordre naturel des choses.